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Photo du rédacteurCASADO Vincent

Les phos de l'aube - Feynh

Un banc de raies argentées poursuivait la coque du vaisseau-marchand. Cette filature tachetait la coque métallique suspendue à une dizaine de coude de la surface. La demi-sphère coupée en son centre filait silencieuse sous un ciel vide. Les rayons éclantant du soleil matinal caressaient un pont de bois lisse où se promenait Feynh. Le poète d'Essor embrassait la vue qu'aucune rembarde ne pouvait contrarier. Il aimait tourner en rond le long des flancs du vaisseau. Parfois il se penchait et s'imaginait tomber. Quelques mètres et puis le contact froid de l'océan. Quel déchaînement de passions déclencherait-il par cette folie passagère, des cris, des pleurs, du plaisir, l'interdit. Le vent qui lui caressait la nuque le retenait pourtant.

Lentement lassé des animaux le poursuivant, Feynh se résolu à rejoindre le centre du disque de chêne, une plaque du même métal que la coque. Il s'y arrêta et caressa l'arc de cuivre à son poignet. Coulissant docilement, le carré s'enfonça sans bruit vers les entrailles du vaisseau. Premier sous-niveau, l'ouverture se referma sur lui et sans un habile jeu de miroirs pour propager la lumière à travers tout l'espace, il n'y verrait plus. Un couloir menait à une coursuive qui cerclait le transport. Sa vision se tranchait maintenant de ce qui était dans la clarté et au contraire, ce qui deumeurait dans l'obscurité. Il progressa machinalement. Des portes sans poignées, disposées à intervalle régulier ouvrait, songeait-il, sur les parts d'entrepôt, de matériels d'entretients et de marchandises qui se répartissaient inégalement l'espace. Il n'avait pas encore osé les pousser, de peur de les ouvrir. Ayant constaté qu'à cet étage rien de neuf n'était venu se jeter sur son ennui, Feynh revint à la plaque centrale et poursuivit sa descente.

Deuxième sous-niveau, l'agencement identique, et pourtant plus étroit remplaçait les biens par les quartiers de l'équipage et l'occasionelle garde-marchande. Les voyageurs qui agrémentait la qualité des étapes profitaient de meilleures cabines, tout du moins Feynh l'espérait. Ce summum du confort sur le vaisseau consistait en un lit d'acier à mémoire de forme, des rangements de bois brut, une douche et des commodités individuels.

Il ne croisa personne dans le couloir et ce détail l'intriga. Chaque jour à cette heure, sa voisine de coursive et lui échangeaient des amabilités. D'une voix grave, elle lui avait appris qu'elle profitait du temps de repos interclasse pour parader auprès de ses parents. Feynh en avait déduit que son séjour serait bruyamment dérangé par une jeunesse désireuse de fête et d'excès de plaisirs. Il patienta. Nul bruit pour deviner la présence de l'étudiante en gestion agrooptique, originaire de Tarith. Devant le vide de la coursive, il haussa les épaules. Le silence bourdonnait légèrement ses tempes et il retourna à la plaque centrale.

Au troisième sous-niveau une porte barrait l'accès au couloir. C'était la première fois qu'il venait. Il était maintenant au coeur de la demi-sphère et aucun bruit ne filtrait. Face à lui, une série de pictogrammes rouges indiquait toutes les raisons de cette sécurité. Un cristal, des lunettes, un éclair foudrayant et une série de recommandations de tenue. Feyn fit une moue contrarié. Comme tout élève récompensé d'une mention à Phos, il supposait, sans en comprendre tous les détails ce qui se trouvait derrière. Il était certain sans savoir l'agencement précis qu'il trouverait une batterie, un cristal héliotrope, des prismes diffracteurs, des lentilles à focales variables, des aimants de contrôle de flux et tout une panoplie de filtres. Ses connaissances parcellaires ne lui permettait de savoir ni comment cette machinerie conservait le vaisseau haut-dessus de l'eau, ni comment elle était automatisée pour limiter les interventions manuelles. Cette technologie fonctionnait et qu'il devait faire confiance aux ingénieurs qui l'avaient conçu et aux techniciens qui l'entretenaient. Il s'en était persuadé. Le souffle rauque, les nasales et la pression de son sang aux tempes usèrent sa curiosité et il renonça à trouver un moyen pour forcer la porte. Il remonta et tomba nez-à-nez avec l'étudiante, surprise :

"- Vous m'avez fait peur.

- Je me suis perdu dans mes pensées, confia-t-il.

- Dans quelques minutes, nous verrons Tarith. C'est la première fois que vous venez, demanda-t-elle ?

- Oui.

- Si vous n'avez rien à faire, allez sur le pont, c'est beau."

Il hocha la tête. La plaque remontait, elle le laissa pour aller vérifier ses bagages et il se retrouva seul sur le pont de bois qu'il avait quitté un quart d'heure plus tôt. Il s'assit et scruta l'horizon. Au loin, un éclat brillait entre la mer violacée et le ciel azur. Et derrière, les raies avait abandonnée la course.











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