Arrivée
Il pleuvait ce jour là, une pluie couleur cendre. La grisaille écrue de la rive relevait les méandres de la décrue. Les gouttes traçaient en sillon le retour du printemps. De la forêt voisine, chênes ou frènes dont les racines moussues exhalaient, la brume se levait . Elle remontait le cours pour lécher les pierres biscornues du hameau de Zone A.
Vers 18h45 cependant, tout retombait. Ainsi était l'heure du goûter.
Souvenirs
La perle d'eau glissait le long du vase. Elle suivait les sillons d'une surface déjà imparfaite que le temps avait usé. Les bouquets s'y succédaient au rythme des semaines, colorés, fades, exquis, envahissant de senteur, avares de parfum. Le baron aimait que sur cette table se tienne un bouquet.
La table n'avait elle-même que peu d'importance. Si le chêne dans lequel elle avait été taillé était centenaire, le nombre des familles d'écureuil, d'oiseau, de lapin et de renard qu'il avait acceuilli resterait à jamais oublié. Sauf peut-être des pluies de mai qui ont meilleure mémoire que les vieux du village. Mais voilà, il avait fait beau ce mai-ci, très beau même. Et les averses généreuses des anciens s'étaient faites timides au printemps. Voyant la goutte qui sillonnait le vase, le page du baron avala sa salive.
Le rai de lumière venait enfin de dépasser le coin de la troisième planche, dix-huit heure trente. Le garçon posa la plume et alla pousser le volet pour laisser entrer l'air bienfaiteur du début de soirée. Sa tagnissa noire se faisait rebelle au peigne dès le matin. Et les nombreux ongant qu'il s'étalait en cachette les graissaient bien plus qu'ils ne les disciplinait. Il inspira à la manière d'un terre-neuve et quitta la pièce. La rivière glougloutait plus bas.
La perle d'eau acheva sa descente. Nul témoin d'un plaisir revigorant lorsque le bois s'imbiba. Un glapissement douloureux tinta dans le lointain.
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