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Photo du rédacteurCASADO Vincent

Histoire - Le Quadraturge tubanophile.

Dernière mise à jour : 18 sept. 2021

4444 - extrait de la chronique de la maison Madrange.


Monsieur Prystal Juste était un homme fantaisiste au demeurant. Enturbanné de bleu, dans de grandes robes rouges à la coupe droite, aux mains fines et au visage propre. Il était architecte et urbaniste, quoi que le second mot n'ait pas encore de sens. Il avait, avant tous, théorisé les bienfaits du dallage carré, des avenues droites et des étages à 10 pieds, deux pouces - la génération suivante étant plus grande en taille que la précédente, par récurrence le plafond se devait être durable - et de l'esthétique rectiligne. Selon lui, une chose n’était belle que si ses côtés étaient ou bien parallèles, ou bien perpendiculaires les uns rapportés aux autres. D’ailleurs comparant la limites des maisons aux étendues extérieures, il voyait, dans une simplicité binaire, au centre la civilisation et autour, la barbarie. On peut ajouter que Prystal avait en horreur les ovoïdes et le thé menthe-cerise-kiwi. Il est désormais de notoriété publique que l'on ne mélange pas du rouge et du vert dans de l'eau chaude. De toute façon, cet homme préférait le café noir, dans une tasse blanche et cubique.


Monsieur Prystal avait ses cheveux pour source d’une colère intarissable. En effet, ces derniers, étaient bouclés. Et chacune de ces boucles lui renvoyait sa propre laideur. Car ce n’étaient pas de longues et belles boucles fines et luisantes au soleil, celles-ci sont tolérables, acceptée-même dès lors qu’on peut les arranger d’une façon plus civilisée. Non, ses cheveux à lui s'entortillaient en petits monticules, ou bien s'apprêtaient en une armée de mèches rebelles. Longtemps il les coupait simplement, courts. Très courts pour qu’ils n’aient pas le temps de friser. Une fois même il tenta de tout raser. Mais la forme arrondie de son crâne lui procura une telle révulsion qu’il abandonna cette idée brillante. Un jour plus tard, voyant deux femmes, l’une portant son enfant en travers, l’autre portant droit quelques légumes, mais toutes deux aux chevelures cachées dans de superbes pièces de tissus, il s’empourpra de jalousie soudaine et se fit offrir semblable couvre-tête. On ne vit alors plus ses cheveux.


Monsieur Prystal, sans que cela ne soit apparent, avait tout son temps accaparé par des travaux distingués. Les exercices physiques le laissait indifférent dans la pratique, mais fascinaient son esprit dans les possibles intellectualisations. Tout occupé qu’il fut aux réflexions les plus salutaires, il ignorait donc les distractions élémentaires, à savoir les femmes et le pudding. Sauf si ces femmes partageaient d'excellentes discussions sur l'origine du partage carré des parcelles de terre du domaine ou les carrés de Fröh qui rassemble l’ensemble des carrés dans lesquels se place le mouvement circulaire d’un lanceur de disque situé dans un repère fixe. Le pudding, continuant de remuer sur sa coupelle lorsqu’on agitait celle-ci, n'avait vraiment pas le moindre intérêt.


Monsieur Prystal Juste était surtout connu car il avait reçu à charge la planification générale de rues, commerces et autres bâtiments des domaines familiaux. Ainsi, tous étaient des carrés droits, dans la logique deux-deux. La majorité de la population limitant son dénombrement à "un, deux et beaucoup", les ouvriers avaient aminci la grandiloquence du génialissime maître d'oeuvre. Il ambitionnait tout de même secrètement la réalisation d’une immense cité aux dimensions titanesques. Mais il se contentait pour l’heure de faire aligner des cahutes le plus proprement possible.


Monsieur Prystal, d’ailleurs, pour s’assurer qu’un mur était bien verticalement droit, avait enseigné Pythagore aux maîtres-chantiers de la manière suivante : “Un pouce, une corde ! Si le carré de la distance mesurée avec la corde sur le mur, ajouté au carré de la distance mesurée sur le sol entre le mur et le maître-chantier A, toujours avec la corde, est égal au carré de la distance mesurée entre le sommet du mur où l'on mettra un maître-chantier B et le maître-chantier A en tendant bien la corde entre les deux, alors le mur est droit. Et vous tendez le pouce pour dire au collègue que c’est bon!” Très heureux d’avoir appris de grandes et belles choses, de celles qui élèvent l’âme humaine, les maître-chantiers se mettaient depuis en haut des murs, accrochaient une pierre à la corde et laissait la pierre descendre le long de la surface verticale. Si la corde frôlait le mur, celui-ci était droit et ils tendaient le pouce vers leur confrère pour le signaler. Sinon, ils tendaient tout de même le pouce et le mur devenait officiellement droit.


Pourtant, un certain Clément se rendit compte des limites de Pythagore Après avoir tendu une corde attachée à une pierre le long d’une rue pour en vérifier la propriété perpendiculaire à l'adjacente, et s'apercevant que le sol était frôlé tout du long par la corde, il tendit le pouce, très fier de son honnêteté ponctuelle. Malheureusement la rue qui fut bâtie sur ces calculs brisa la splendeur mosaïque des carrés. Bien sûr Clément fut renvoyé de l’ordre des maître-chantiers. Et l'administration décida que Pythagore fonctionnait très bien sur les murs mais ne fonctionnait pas du tout sur le sol.


Ainsi, les rues réalisées étaient devenues d’une rectitude exemplaire et on ne pouvait plus se tromper en cherchant le boulanger ou le cordier. Les murs étaient tous officiellement et verticalement droit, ce qui ne se voit pas sur une carte. Et cela emplissait de joie monsieur Prystal Juste.


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