Conte du Cressac - la première lignée
Les mouettes s'élevèrent et noircirent un instant sur l'horizon avant de décrire une courbe souple pour s'effacer sur la mer. La houle faisait frémir la surface de moutons blancs toujours plus nombreux tandis que de sombres nuages zébrés d'eclairs roulaient tendrement dans le lointain. Au bas de la falaise les vagues dansaient en frappant les rouges roches. La mer s'étendait entre les rocs. Elle s'allongeait de toute sa force. Ainsi étendue elle crachait ses poumons vers le ciel. Et toute sa crasse verte mousse bafouait les falaises. Satisfaite de la souillure elle se retirait.
Mais déjà quelques gravillons vengeurs plongeaient vers les eaux verdâtres. Leurs chutes déterminées étrillaient la surface olive. Explosant en gerbes, ils poussaient ainsi leurs élans vers les profondeurs. Ainsi outrée, la mer se retournait et attaquait de nouveau les récifs. Les flux et reflux battaient la mesure d'une danse féroce où tourbillonnaient galets et sel. Les échos de ce désamour remontaient en tonnerre le long des parois pour éclater sur les îles alentour.
Attirés par la violence vinrent les premiers hommes. Ameutés par la peur et le bruit, ils joignirent les amants. Les intrépides battirent la terre du pied et fouettèrent les eaux des mains. La mer tendit ses bras vers eux, les frappas au visage. La gifle brûlante racla la roche et emporta beaucoup. La falaise s'ébroua et déversa nombre parasites dans une rage liquide. Du chaos une première s'avança. Son calme s'assit sur la roche et plongea des pieds impurs dans les eaux froides.
Tout se tut.
Puis reparurent les mouettes, muettes sous l'azur.
Ainsi est nôtre la souveraineté sur les îles du Cressac depuis la première de notre lignée qui se fit aimer de la terre, de la mer et des premiers hommes.
Le sac, lorsque la roche craque.
Le ressac lorsque la mer éclate.
La pierre dit le ressac.
Et notre terre est le Cressac.
Blanche de Cassadet.
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