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Photo du rédacteurCASADO Vincent

Les contes de l'Arkenstar - le garde-lecture

Le soleil fit un clin d'oeil quand il ouvrit la fenêtre. Le bleu vénitien se muait en lasurée gris clair. Les odeurs empêchées envahirent la pièce comme les injures des derniers enfants s'évanouissaient dans les rues.


Le vieux gnome brassait le tableau noir. Ses pas tintaient joyeusement. Il alla et vint entre les tables chênardes, ramassant les plumes et les papiers déchirés. Une moustache pointue gardait sous son égide un sourire figé. Cette touche de joyeuseté vomissait une courte barbe. Il alla au poêle riche de la pile de son trophé. Les textes du jours se jetèrent dans le brasier les uns après les autres comme autant de sacrifiés. Une satisfaction éclairait alors le regard cerné sous les épais sourcils. Puis le balais arrachait au parquet la poussière et quelques jouets oubliés. Ceux-ci étaient également récupéré par cette poigne froide et déposés aux plans de leurs propriétaires supposés. Lorsque le bibelot était orphelin, il rejoignait immanquablement l'étagère alignée des soldats de bois, de plombs des présentations d'histoire de la guerre. Ainsi les piquiers aux bonnets pointus se flanquaient d'une toupie bombée. Il souffla dru et s'étouffa. Quelle traître embuscade à l'épousseté ! Le ciel se voilait.


La chaise d'arceaux grinçante calée avec une précision austère il laissa la classe pour fermer la porte d'une épaisse clef de bronze. Les lattes d'escalier crissaient sagement sous les souliers en cuir de laitue. Il rejoignait paresseusement le vestibule maculé de centaines d'empreintes de boue quand un claquement vif résonna. Il venait de la bibliothèque. Un bruit qui de toute évidence n'avait rien à faire là à cette heure. Pressant le pas de ses tintements inquiets, ses jambes avalèrent les mètres de préau pour le soulever aux belles portes entrebaillées du garde-lecture. Le bois était entaillé à mi-hauteur en grifformes. Quand au danger, il n'existait plus alors qu'une créature poétique s'attaquait aux livres. Précautionneux de son bruit, il tira son bonnet et serra le grelot. Il appuya la porte qui suivit l'effort sans trahir sa présence. Les gnomes étaient fort réputés artisan-boisiers et boiseriers au demeurant.


Le garde-lecture n'échapaient pas à la quiétude de la bâtisse à cette heure. Un bon mille de nerfs s'alignait d'où dépassaient des signets bariolés. Et les dos se regardant sous les travées usées jugeaient avec sévérité les troublant claquements. Nouvelle répétition quand le vieux gnome entra. Il pinça sa moustache de sa main libre. Les documents de la table vernie qui paradait au milieu de la pièce avaient subis les derniers outrages. Piquée au vif par le plat, ils s'éventraient de feuilletées sous les pattes griffues du triomphant. De sous un bonnet au liseré apparant, le souffle coupé, le vieux gnome s'effraya de colère contre la galéenne . Un spécimen splendide raffolant sans aucun doute des plus indigestes traités.


La poule aux couleurs chatoyantes dérangée au goûter de ses mets dressa sa houpette. Le vieillard fit tinter son grelot et prépara la charge. Lacérant les restes de ses victimes le volatile bondit ailes déployées, bec acéré. Le gnome répondit au défit bras tendus et accueillit l'assaut dans le font de son couvre-chef. L'épreuve de force débuta. Les ailes battantes, soulevant le pollen livresque, les griffes raclaient la pierre mais le vieillard tint bond. L'animal s'étouffait quand une forte main serra le bras du vieux gnome :

"- Arrêtez vous aller me la tuer !"

Un peu perdu, il dessera l'étreinte. L'animal ne broncha pas. Il se roula sur le côté interte.

"- Bon sang , vous me l'avez canné, gronda une voix nasillarde !

- Que faites-vous là, demanda-t-il fermement à l'arrivé ? Lâchez-moi, vous êtes dans un établissement interdit au public non autorisé !

- Respire ma belle, ignorait l'intru."

La poitrine de la poule se souleva, apaisée, endormie. Le vieux gnome retira son bonnet pour en évaluer les dégats.

"- Ah ça va, vous me l'avez capturé, se réjouit l'autre."

Il se retourna et fit tinter son bonnet :

"- Ösc, fils de Gareh et voici ma cousine Ûrlâ, continua-t-il.

- Ravie de vous rencontrer, répondit un autre tintement, excusez le dérangement mais celle-ci s'est échapée de sa cage et nous la courrions.

- J'croyais que vous allez mettre l'embarra sur nous de nous l'avoir crevé ! Mais là vous rendez un fier service, excusez pour le bras. Allez vous, s'enquit Ösc ?"

Et il délia une corde de sa taille pour lier les pattes du volatile. Le vieux gnome se vida d'un souffle en se massant le triceps :

"- Oui, oui merci, quel chantier.

- Bon alors ça va, on ne veut pas déranger, faut pas qu'on vous y dérange alors qu'il y a du rangement, se pavana Ösc en soulevant la bête par la corde.

- Encore désolé des tracas monsieur, aligna Ûrlâ en posant maladroitement un livre sur la table, et bon courage pour tout ça.

- Je vous raccompagne, assura le vieux gnome.

- Forcez pas le bonnet, vous avez le souffle à rattraper et on connait la sortie, sourit Ösc en asseillant le vieillard sur une chaise."

Les deux se faufilèrent sans subterfuges du garde-livre. Les précipités résonnèrent dans le préau et la porte claqua.

Au moins ils sont partis sans rien emporter pensa le vieil homme. Il regarda le champs de bataille silencieux, les mains encore tremblantes. Quel gâchis.



***

"- Mais quel corniot que d'avoir lâché nos noms, cracha Ûrlâ !

- J'suis éleveur de poules moi, pas larron !

- Si il parle, on sera dans de beaux draps !"

Ils échangèrent un regard et Ôsc cracha :

"- Ouais, si il parle !"



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